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Politique énergétique de la France : une pause s’impose !
Dans une tribune, publiée par Le Point à la veille de la déclaration de politique générale de F. Bayrou, environ 80 parlementaires appellent le gouvernement à une pause dans le développement des ENR, en particulier éoliennes et photovoltaïques.
Par Collectif* in fine
Publié le 13/01/2025 à 06h00
La situation budgétaire de la France est un sujet d'alarme majeur, facteur d'instabilité gouvernementale et de rustine constitutionnelle, tandis que France Trésor prévoit 300 milliards d'euros d'emprunts pour 2025 avec une note en dégradation constante auprès des agences de notation.
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Dans ce contexte où tous cherchent un budget introuvable sans joug fiscal exagéré des classes moyennes françaises, n'est-il pas de notre devoir d'examiner l'efficacité économique de certaines politiques, notamment en matière énergétique ? N'y aurait-il pas là matière à « économie substantielle » ?
Le nouveau ministre de l'Économie et des Finances a récemment affirmé sa volonté de réduire les déficits publics en privilégiant la diminution des dépenses à l'alourdissement de la fiscalité. C'est une bonne nouvelle, qui ne peut que rencontrer l'appel solennel des grands noms français de la gouvernance énergétique, lancé le 1er décembre dernier dans une tribune du journal Le Point, et nous voulons croire que leur parole sûre et avisée fera autorité auprès du gouvernement.
Dix anciens dirigeants prestigieux de l'histoire énergétique de notre pays ont réagi au projet de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) publié par la Direction générale de l'énergie et du climat (proposé malgré l'absence d'une loi quinquennale sur l'énergie) et ont interpellé le Premier ministre pour l'alerter sur les dommages économiques, sociaux et environnementaux colossaux occasionnés par la poursuite d'une politique énergétique sans cap, aveuglée par le recours massif aux énergies renouvelables (ENR) sans prise en compte de leurs impacts concrets sur notre souveraineté énergétique et pour lui demander l'arrêt pur et simple de cette politique, qui confine à une gabegie de plusieurs milliards d'euros.
Ces arguments rationnels, démontrés, et connus de tous, qui décrivent par le menu l'inanité de choix énergétiques, au mieux romantiques pour certains, plus lucidement affairistes pour beaucoup, pro-étrangers dans l'ensemble et idéologiques pour tous, ne parviennent toujours pas à être entendus par le gouvernement et la haute administration. Comment expliquer leur surdité au mépris de toute rationalité, quels que soient les censures politiques et les résultats économiques et écologiques désastreux de ces filières ? Les Français, qui n'ont aucun complexe à avoir en matière d'électricité propre, n'ont jamais payé aussi cher une électricité déjà décarbonée, dont la stabilité du réseau n'a jamais été aussi périlleuse à maintenir et qui pèse aujourd'hui très lourdement sur leur compétitivité jusqu'à l'asphyxie.
Le mix électrique de la France déjà décarboné à 95 %
Aussi, dans un but de préservation du potentiel industriel de notre pays et soucieux du bon emploi des deniers publics et de l'intérêt des Français dont nous sommes dépositaires, nous demandons solennellement au gouvernement, dans le contexte de pénurie budgétaire qui est le nôtre, de ne plus continuer les subventions publiques aux énergies renouvelables qui minent notre système électrique et de ne les maintenir qu'à celles qui participent réellement à notre souveraineté comme, entre autres, le nucléaire.
Les deniers publics ne sauraient servir à financer les garanties de prix données aux producteurs d'énergies intermittentes (évaluées à 4 milliards d'euros dans le projet de loi de finances 2025), qui représentent des intérêts particuliers court-termistes et bien souvent transnationaux, au détriment de notre résilience énergétique, sous le prétexte d'un quelconque bénéfice en CO2, infinitésimal d'ailleurs (et à condition qu'il ne soit pas délocalisé) et dont on cherche une fois encore une mesure d'impact fiable. Ces dépenses faramineuses sont plus que contestables alors que nos priorités régaliennes (police, justice) et sociales (éducation, santé) sont à la peine.
Le dernier rapport du Sénat, publié à l'été 2024 (rapport n° 714), pointait très justement en matière de décarbonation l'exagération des efforts demandés par l'Union européenne à la France, dont le mix électrique est déjà décarboné à 95 %, par rapport à nombre de ses voisins, ainsi que son droit légitime à choisir son bouquet énergétique, garanti pourtant par les traités de l'UE et qu'il conviendrait d'invoquer avec plus d'ardeur. Il n'est pas compréhensible que ces incohérences européennes soient reprises et amplifiées dans nos feuilles de route énergétiques nationales, ou que nos dirigeants rechignent à batailler pour changer la donne au niveau européen.
Poursuivre tête baissée dans les ENR, en particulier éoliennes et photovoltaïques, alors même que nous n'avons pas développé de filière industrielle solide, ne présente hélas qu'un seul intérêt : cette nouvelle frontière énergétique est fort opportunément très lucrative pour quelques entreprises, surtout étrangères, au détriment du plus grand nombre, de la collectivité nationale et des collectivités territoriales. Ce faisant, elle amplifie encore plus notre dépendance industrielle à l'Asie, abîme sûrement notre patrimoine paysager, déprécie l'attractivité de nos territoires ruraux et leur foncier, compromet le développement touristique et dégrade les cadres de vie. Plus grave encore, les constructeurs automobiles européens, par la voix de leur président, Luca de Meo, s'inquiètent du pari de la mobilité tout-électrique, qui pourrait ne pas tenir ses promesses, comme l'alerte en fut pourtant donnée à maintes reprises. Ils mettent en garde sur le naufrage que les nouvelles réglementations européennes risquent de provoquer sur leur filière. Ce serait alors toutes nos prévisions (stratégie nationale bas-carbone, programmation pluriannuelle de l'énergie) des vingt prochaines années qui pourraient se révéler erronées. Nous demandons donc un moratoire sur la trajectoire énergétique actuellement envisagée pour la prochaine PPE.
Il est plus que temps d'assumer avec lucidité le modèle français de mix électrique, d'héritage gaullien, fondé de manière visionnaire sur le nucléaire, énergie pilotable, décarbonée et abordable sur le long terme, seule garante de notre souveraineté énergétique, et de pratiquer sans idéalisme, avec mesure et sagesse le recours aux ENR, en particulier l'hydroélectricité, qui pourrait être bien davantage exploitée et encouragée dans nos territoires. En attente depuis trop longtemps d'un projet de loi sur ce sujet, le Sénat a voté le 16 octobre dernier, en responsabilité, une proposition de loi du groupe LR portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie.
Les choix énergétiques nationaux, si engageants pour l'avenir de notre pays, ne peuvent se faire en catimini dans le secret des cabinets, avec pour toute légitimité des consultations électroniques biaisées, mais doivent être débattus devant la représentation nationale comme le prévoit la loi énergie-climat de 2019. Nous le demandons et l'attendons pour 2025 !
* Liste des signataires :
Kristina PLUCHET, sénatrice de l'Eure
Arnaud BAZIN, sénateur du Val-d'Oise
Catherine BELRHITI, sénatrice de la Moselle
Martine BERTHET, sénatrice de la Savoie
Anne-Laure BLIN, députée du Maine-et-Loire
Christine BONFANTI-DOSSAT, sénatrice du Lot-et-Garonne
François BONHOMME, sénateur du Tarn-et-Garonne
Alexandra BORCHIO-FONTIMP, sénatrice des Alpes-Maritimes
Max BRISSON, sénateur des Pyrénées-Atlantiques
Christian BRUYEN, sénateur de la Marne
Laurent BURGOA, sénateur du Gard
Alain CADEC, sénateur des Côtes-d'Armor
Anne CHAIN-LARCHÉ, sénatrice de la Seine-et-Marne
Marie-Carole CIUNTU, sénatrice du Val-de-Marne
Pierre CORDIER, député des Ardennes
Josiane CORNELOUP, députée de la Saône-et-Loire
Pierre CUYPERS, sénateur de la Seine-et-Marne
Vincent DELAHAYE, sénateur de l'Essonne
Patricia DEMAS, sénatrice des Alpes-Maritimes
Chantal DESEYNE, sénatrice d'Eure-et-Loir
Virginie DUBY-MULLER, députée de Haute-Savoie
Françoise DUMONT, sénatrice du Var
Laurent DUPLOMB, sénateur de la Haute-Loire
Jacqueline EUSTACHE-BRINIO, sénatrice du Val-d'Oise
Agnès EVREN, sénatrice de Paris
Gilbert FAVREAU, sénateur des Deux-Sèvres
Christophe-André FRASSA, sénateur des Français de l'Étranger
Béatrice GOSSELIN, sénatrice de la Manche
Philippe GOSSELIN, député de la Manche
Sylvie GOY-CHAVENT, sénatrice de l'Ain
Pascale GRUNY, sénatrice de l'Aisne
Daniel GUÉRET, sénateur d'Eure-et-Loir
Christine HERZOG, sénatrice de la Moselle
Corinne IMBERT, sénatrice de la Charente-Maritime
Micheline JACQUES, sénatrice de Saint-Barthélemy
Else JOSEPH, sénatrice des Ardenne
Murielle JOURDA, sénatrice du Morbihan
Roger KAROUTCHI, sénateur des Hauts-de-Seine
Khalife KHALIFE, sénateur de la Moselle
Christian KLINGER, sénateur du Haut-Rhin
Florence LASSARADE, sénatrice de la Gironde
Dominique de LEGGE, sénateur d'Ille-et-Vilaine
Ronan LE GLEUT, sénateur des Français de l'Étranger
Henri LEROY, sénateur des Alpes-Maritimes
Stéphane LE RUDULIER, sénateur des Bouches-du-Rhône
Vivette LOPEZ, sénatrice du Gard
Viviane MALET, sénatrice de la Réunion
Olivier MARLEIX, député d'Eure-et-Loir
Pauline MARTIN, sénatrice du Loiret
Thierry MEIGNEN, sénateur de la Seine-Saint-Denis
Franck MENONVILLE, sénateur de la Meuse
Marie MERCIER, sénatrice de la Saône-et-Loire
Damien MICHALLET, sénateur de l'Isère
Brigitte MICOULEAU, sénatrice de la Haute-Garonne
Alain MILON, sénateur du Vaucluse
Philippe MOUILLER, sénateur des Deux-Sèvres
Laurence MULLER-BRONN, sénatrice du Bas-Rhin
Georges NATUREL, sénateur de la Nouvelle-Calédonie
Anne-Marie NÉDÉLEC, sénatrice de la Haute-Marne
Louis-Jean de NICOLAY, sénateur de la Sarthe
Sylviane NOËL, sénatrice de la Haute-Savoie
Jean-Baptiste OLIVIER, sénateur de Paris
Olivier PACCAUD, sénateur de l'Oise
Clément PERNOT, sénateur du Jura
Évelyne PERROT, sénatrice de l'Aube
Rémy POINTEREAU, sénateur du Cher
Frédérique PUISSAT, sénatrice de l'Isère
Jean-François RAPIN, sénateur du Pas-de-Calais
André REICHARDT, sénateur du Bas-Rhin
Hervé REYNAUD, sénateur de la Loire
Bruno SIDO, sénateur de la Haute-Marne
Jean SOL, sénateur des Pyrénées-Orientales
Laurent SOMON, sénateur de la Somme
Jean-Pierre TAITE, député de la Loire
Sylvie VALENTE-LE HIR, sénatrice de l'Oise
Anne VENTALON, sénatrice de l'Ardèche
Paul VIDAL, sénateur du Rhône
Jean-Pierre VOGEL, sénateur de la Sarthe