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14/11 Casse GE Tribune

Nouveau coup dur pour les salariés de GE Vernova, en Loire-Atlantique. En début de semaine, Scott Strazik, le patron de cette entité qui rassemble les activités énergétiques de l'américain General Electric, a déclaré au Financial Times mettre en pause ses recherches pour alimenter le carnet de commandes du groupe dans l'éolien offshore. Le dirigeant a expliqué vouloir « se concentrer sur l'exécution des projets en cours » plutôt que de tenter de décrocher de nouveaux contrats. Il a précisé ne pas voir actuellement « d'opportunité de marché », le secteur étant à la fois confronté à une hausse des taux d'intérêt et à des prix bas de l'électricité.

Pour les salariés de GE basés à Saint-Herblain et à Montoir-de-Bretagne, c'est la douche froide. En l'état, le carnet de commandes du groupe dans l'éolien offshore, d'un montant de 3 milliards de dollars, ne permet de maintenir l'activité des deux sites que deux ans tout au plus.

« Nous savions qu'après 2027, il y avait un trou, mais nous ne savions pas à quel point ce canyon serait grand. Nous attendions de voir l'autre rive, avec l'espoir de décrocher un nouveau projet au Japon. Désormais, nous savons que nous ne la verrons jamais », constate, amer, un ingénieur, employé sur le site de Saint-Herblain, ayant requis l'anonymat.

« C'est la fin annoncée de GE offshore et la fermeture prévisible des sites GE offshore français, s'alarme le salarié, en grève ce vendredi, comme ses collègues de Montoir-de-Bretagne et de Barcelone. Voilà huit mois que nous tentons d'alerter le gouvernement sur la situation, mais l'Etat fait la sourde oreille et ne veut pas nous recevoir. Nous sommes en colère ».


Plus de 1.400 emplois tricolores en jeu


Le groupe américain avait déjà officialisé, le 19 septembre dernier, la suppression de 360 postes sur son site de Montoir-de-Bretagne, à quelques kilomètres de Saint-Nazaire, et celui de Saint-Herblain, dans la banlieue de Nantes. Concrètement, le premier, dédié à la fabrication des nacelles des éoliennes en mer, s'apprête à perdre 140 postes, et le second, dédié à l'ingénierie, 220.

Si, après 2027, ces deux sites fermaient définitivement, cela représenterait plus de 730 postes au total. Par effet domino, l'usine GE de Cherbourg (Manche), spécialisée dans la fabrication des pales des éoliennes, pourrait, elle aussi, tomber en l'absence de commandes. Ce qui conduirait à la suppression de 700 postes supplémentaires et ferait donc gonfler l'hémorragie sociale à plus de 1.400 emplois.

Bien qu'inquiétante, cette trajectoire n'est pas une surprise pour les équipes françaises. Depuis plusieurs mois, « le groupe opère un recentrage de ses sites de production vers les Etats-Unis où il se trouve dans une position dominante, ce qui n'est pas le cas en Europe où il doit faire face à la concurrence de Siemens et de Vestas », précisait, en septembre dernier, Cyrille Gohier, délégué CFE-CGC chez GE. D'autant que l'administration Biden avait laissé entrevoir de larges opportunités outre-Atlantique, avec 30 GW visés pour 2030.


Vague d'inquiétude pour le marché américain


Le retour à la Maison Blanche de Donald Trump, ouvertement opposé à ces moulins géants des mers, devrait vraisemblablement mettre à mal cette stratégie. « Pour nous, cela présage un arrêt complet des activités de GE dans l'éolien offshore. Or, nous avons des contrats avec des champs éoliens actuellement en service, qui doivent faire l'objet de maintenance », s'inquiète le salarié de Saint-Herblain, également représentant du personnel.

Tout au long de sa campagne, le candidat républicain n'a cessé de fustiger cette industrie, encore naissante outre-Atlantique et largement soutenue par l'administration Biden. « Nous allons faire en sorte que cela cesse dès le premier jour », avait-il déclaré, lors d'un meeting à Wildwood (New Jersey) en mai dernier, à propos des éoliennes en mer. « Elles ruinent l'environnement, elles tuent les oiseaux, elles tuent les baleines », avait-il ajouté, propageant, comme à son habitude, des informations erronées. À l'automne dernier, l'homme d'affaires s'était même réjoui sur son propre réseau Truth Social lorsque le danois Ørsted avait déclaré renoncer au développement de deux projets d'éolien offshore dans ce même État.

La semaine dernière, au lendemain de l'élection de Donald Trump et à l'occasion de la publication de ses résultats trimestriels, Engie a fait part de son inquiétude en la matière, redoutant la mise en place d'un moratoire. L'énergéticien tricolore ayant trois projets en cours de développement au large des côtes américaines. Si dépréciation il y avait, celle-ci resterait toutefois limitée à 400 millions de dollars. Son concurrent allemand RWE a également souligné l'augmentation « des risques pour les projets d'éoliennes en mer » dans un récent communiqué, alors qu'il entend mettre en service deux fermes d'éoliennes au large de New York et de la Californie à l'horizon 2030.


Les turbiniers chinois en embuscade


De son côté, le turbinier Siemens Energy, par la voix de son PDG Christian Bruch, a reconnu que ses projets à venir pourraient être « influencés » par la nouvelle administration américaine, tout en rassurant sur un éventuel moratoire, sachant « qu'environ 80% du marché offshore se trouve en Europe ».

Dans ce contexte, les salariés français de GE redoutent déjà l'arrivée des turbiniers chinois sur le Vieux continent. « Les turbiniers européens Siemens et Vestas n'ont pas les capacités industrielles suffisantes pour répondre à la demande européenne en matière d'éolien offshore. Cela va se traduire par l'importation de turbines chinoises alors que nous avons les compétences en France. C'est un non-sens industriel », fustige le représentant du personnel. « Les Chinois sont déjà excellents sur l'éolien terrestre, il n'y a aucune raison qu'ils n'arrivent pas sur l'offshore », confirme, sans l'ombre d'un doute, le dirigeant d'un grand énergéticien européen.


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