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17 mai 2024
AO5 - COMMUNIQUE DE PRESSE
Eoliennes Groix / Belle-Île, désignation du lauréat
Un mauvais projet, avec de mauvais lauréats
Le choix par le gouvernement français du consortium PENNAVEL, rassemblant deux sociétés Elicio (Belgique) et BayWa r.e (Allemagne) pour construire et exploiter le premier parc éolien flottant nous surprend moins par le niveau du prix d’achat proposé de 86,45 € / MWh (bien inférieur au maximum de 140 € autorisé par l’appel d’offres), que par le profil des sociétés retenues, car ni l’une ni l’autre n’a le savoir-faire exigé par ce projet.
Tout Breton aura compris que le vrai défi du projet Bretagne-Sud est de devoir affronter la mer. Or au large de Belle-Île et Groix, les tempêtes récentes (Ciaran) ont enregistré des vagues de 15 mètres et des vents de 170 km/h.
Y faire flotter un groupe d’embarcations équipées chacune d’une machinerie de 1000 tonnes, hissée sur un mat de 150 mètres et prétendre les ancrer de façon stable durant 25 ans est un pari que ne soutiendraient pas nos meilleurs amiraux.
De vrais professionnels de l’industrie offshore, experts des plateformes pétrolières et de leur ancrage, étaient pourtant sur les rangs et auraient eu quelque chance de s’en sortir : Shell, Total et le Norvégien Equinor. Ils se sont pourtant retirés les uns après les autres...
Nous restent ces deux sociétés Elicio et BayWa r.e (pour Renewable Energy) qui n’ont aucune expérience de structures flottantes en mer, leur seule référence en la matière étant d’avoir remporté ensemble en 2022 un appel d’offre pour un parc de 960 MW en Ecosse ; mais ce projet n’est qu’en phase d’études.
- BayWa r.e, est filiale à 51% d’un grand groupe allemand BayWa AG, actif dans le commerce de gros de biens industriels et agricoles. La filiale, centrée sur la vente de services, n’a que peu d’actifs de production, et aucun éolien marin.
- Elicio est une petite société belge (80 employés) spécialisée certes dans l’énergie éolienne, mais principalement terrestre, notamment en Bretagne. Elicio est filiale à 100% du groupe Nethys, holding publique belge détenue par la province de Liège et des communes, et ... impliquée dans un large scandale politico-financier de 2018 à 2021.
En matière d’éolien marin posé, elle n’a qu’une participation minoritaire (24%) en mer du Nord, en face de Zeebrugge.
Sans pouvoir s’appuyer sur le retour d’expérience de la ferme éolienne pilote Groix / Belle-Île qui a été abandonnée, face à un immense défi technique et une technologie expérimentale encore inexistante à l’échelle industrielle (principalement celle des flotteurs et de leurs ancrages), dans une situation économique qui va vraisemblablement les pousser à recourir à du matériel chinois, 30 à 40 % moins cher que l’Européen, et techniquement plus avancé vers les grandes puissances de 20 MW (ou plus) qui sont visées (il n’y aurait donc que 13 éoliennes de 300 mètres), les lauréats ont un chemin bien difficile devant eux ! Dans ses interviews à la presse au lendemain de son succès, le directeur de Pennavel reconnaît qu’il se donne cinq ans pour choisir technologies et fournisseurs, mais aussi partenaires financiers, aveu que c’est donc sur une simple offre « papier » que le gouvernement a fait son choix... ahurissant.
Nos commentaires, un désastre environnemental et humain, une arnaque économique
Au-delà de ces péripéties et qui que ce soit qui prétende le construire, le projet Bretagne-Sud n’en reste pas moins intrinsèquement condamnable, car destructeur du littoral océanique, pierre dans le gigantesque mur de l’Atlantique éolien que nous annonce le gouvernement, menace avérée pour la vie sauvage et pour les activités humaines, alors qu’il est inutile et ruineux dans un mix électrique français qui n’a pas besoin d’un supplément de production intermittente décarbonée.
Chacun s’exclame sur le faible prix de vente proposé par Pennavel (86,45 €/MWh), mais dans la réalité le prix du marché de gros est excessivement variable, à la hausse ou à la baisse en conséquence de l’intermittence, pouvant tendre vers près de zéro quand il y a du vent – généralement simultanément en Europe - et pas assez de consommation. Les épisodes à prix négatifs rencontrés en avril ont donné une illustration de cette situation qui ne pourra que se multiplier à mesure que le parc éolien ira croissant en Europe. Les consommateurs domestiques n’en profitent jamais car leurs tarifs intègrent ces variations. Les producteurs des nouveaux projets en sont protégés par des revenus garantis ; ainsi PENNAVEL touchera bien pendant 25 ans ses 86,45 € / MWh, car ils seront couverts par la subvention gouvernementale (= par les Français), dans le cadre de l’aide d’état autorisée par la Commission européenne.
Quant à l’énergie produite quand il y a du vent, elle ira majoritairement et à vil prix alimenter en électricité décarbonée les réseaux des pays des investisseurs, l’Allemagne et la Belgique, la réalité des flux physiques de l’électricité faisant loi. Les 450.000 habitants alimentés (aléatoirement) par le projet, ne seront donc pas bretons, mais les subventions resteront bien françaises.
Mais avant d’en arriver là, les Gardiens du Large sont bien décidés, avec bien d’autres associations citoyennes, à ne pas laisser la situation en l‘état, telle qu’elle aura été abandonnée en jachère par les pouvoirs publics français : absence d’étude préalable au choix du site sur les impacts environnementaux, illégitimité de l’aide de l’état français de 2,08 milliards d’Euros, coûts cachés du projet en particulier pour faire face à l’intermittence de sa production et pour reconfigurer le réseau électrique national.
Nous ne souhaitons pas qu’au réveil de cette folie faussement écologique, nos enfants et nos petits enfants ne connaissent qu’à travers de vieilles photos ce qu’était l’horizon breton, la vie de son littoral, l’activité de ses pêcheurs... ou bien n’entendent que de la bouche de leurs enseignants l’histoire des désastres passés, la régression de la biodiversité par l’industrialisation de la mer, le pillage mondial des ressources en minerais, la spoliation du patrimoine collectif breton.