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Gardiens du Large, août 2024
Croissance des énergies aléatoires, la pagaille dans le système électrique
Banalisation des prix de marché négatifs
Dans son Bilan de fonctionnement du système électrique pour le 1er semestre 2024, RTE décrit ainsi la situation (page 4) :
« Du fait de l’abondance de la production bas-carbone, d’une demande faible et de capacités d’export parfois saturées, concomitantes d’épisode de forte production éolienne et solaire dans les pays voisins, les épisodes de prix négatifs ont fortement augmenté en France au cours du premier semestre (233 pas horaires négatifs constatés contre 53 au premier semestre 2023) ».
Notons que les prix ne deviennent négatifs que pour les acteurs du marché,
l’artifice ne se répercutant jamais pour le client final.
Ces prix négatifs apparaissent sur le marché spot quand la demande d'électricité est inférieure à l'offre. C’est une conséquence de la part de plus en plus grande prise par les centrales de production aléatoire non pilotables, qui fournissent de l’électricité non pas quand on en a besoin, mais quand il y a du vent ou du soleil (sachant que l’électricité ne se stocke pas massivement). Pour sortir de cette situation, il faut alors soit pouvoir exporter le surplus (donc à prix proche de zéro), pour autant que les interconnexions le permettent et que les éventuels clients ne soient pas dans la même situation d'excédent d'électricité aléatoire (éolienne ou solaire), soit alternativement réduire la production.
Jusque-là on ne pouvait pas le faire en coupant les responsables excédentaires (solaire, éolien) car ils bénéficiaient du privilège réglementaire d'accès prioritaire au réseau, rémunérant tout kWh produit : l’obligation d’achat. Ce sont donc les seules centrales pilotables qui devaient réduire leur production, et souvent, parce que le nucléaire constitue le producteur principal, en fonctionnement permanent, ce sont des groupes nucléaires qui étaient appelés à le faire, cumulant ainsi plusieurs inconvénients : une souplesse de réaction modeste, le nucléaire étant conçu pour produire en continu, un vieillissement accru des matériels et du combustible, enfin une augmentation des coûts proportionnels de production. Surtout, illogisme extrême, cette substitution délicate n’offrait aucun bénéfice puisque la production d’électricité nucléaire est déjà décarbonée…
Le passage récent à une nouvelle forme de soutien économique au renouvelable, le contrat pour différence (CFD), à la place de l’obligation d’achat, allait changer la donne : désormais le producteur vend au réseau, au prix du marché, et empoche ou reverse la différence d’avec le tarif contractualisé. Le CFD ne fonctionne plus en cas de prix négatif, et le producteur est incité alors à stopper sa production en échange d’une indemnité pour les heures de non-production. L’indication de marché donne ainsi le signal d’arrêt de la production excédentaire. En outre, en cas de non-respect, RTE est autorisé à ordonner l’arrêt de la production…
Le système électrique vit actuellement avec la conjonction des deux réglementations, le CFD ne concernant que l’éolien marin et quelques grands parcs terrestres récents.
A-t ’on pour autant trouvé une solution satisfaisante ? Certainement pas pour le long terme puisque la croissance attendue des parcs éoliens et solaires va mécaniquement augmenter les heures à prix négatifs et donc les périodes d’arrêt obligatoire de ces parcs rémunérés avec des fonds publics POUR NE PAS PRODUIRE, mettant en évidence l’absurdité, rationnelle comme économique, d’en construire encore.
Exemple
de la journée du vendredi
9 août 2024 (site eCO2mix)
... qui connut deux périodes de prix négatifs... la seconde à la mi-journée se conjuguant avec une baisse des possibilités d'exportation (même surplus solaire chez les clients ? ou saturation des lignes d'interconnexion ?).
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